À la suggestion de la présidente d’Audition Québec, madame Jeanne Choquette, j’ai lu pour vous Dialogues de sourdes, écrit par Catherine Tetart¹ et publié aux éditions du Panthéon (2024).²
Au début du livre, la citation d’Helen Keller révèle combien la surdité est un handicap certes invisible, mais fort préjudiciable pour la personne qui en est atteinte : « La cécité coupe du monde des choses, la surdité, du monde des hommes ».
Française âgée de 53 ans, mariée et mère de trois enfants, Catherine Tetart est issue d’un milieu favorisé et a complété des études universitaires poussées. Il y a sept ans, elle a effectué un changement de carrière et elle est devenue « coach » pour accompagner les cadres et dirigeants dans leur développement personnel.
Alors que sa carrière est axée sur la relation d’aide, elle se rend compte qu’elle devient de plus en plus sourde. Une partie de sa parenté ayant de sérieux problèmes d’audition, elle comprend que la génétique familiale l’a rattrapée. Plutôt que de se morfondre, elle décide de rédiger un récit biographique pour partager sa souffrance.
Elle réussit à la mettre à distance grâce à l’écriture de Dialogue de sourdes. J’avoue que j’étais un peu sceptique en lisant le résumé de son essai : imaginer un dialogue entre elle et la partie d’elle-même qui est sourde. Le pari est réussi haut la main. Cette œuvre est originale et sa qualité littéraire m’a rappelée Les méduses n’ont pas d’oreilles³.
L’essai est réparti en sept chapitres intitulés Silence, Oser, Ubiquité, Résister, Dire, Éprouver, Sérénité.
En premier lieu, l’autrice s’adresse à sa surdité en l’appelant Ab-surdité. On le réalise, le ton est caustique et non pas larmoyant.
« Je suis malentendante, pas idiote ni demeurée. » (p. 10)
Elle relève plusieurs situations qui touchent les malentendant.e.s et que vous avez sans doute vécues : rire, même si on n’a pas compris une blague dans un lieu trop bruyant; souffrir de bruits amplifiés, agressants, sans bénéficier d’une plus grande compréhension de la conversation. Devoir répéter, même aux proches, qu’on entend mal (ou pas du tout) lorsqu’ils parlent trop vite ou sans bien articuler… L’autrice ajoute : la frustration de ne pas comprendre les messages dans les transports publics, les vélos qui roulent sans bruit à la vitesse de l’éclair et qui vous frôlent.
¹ https://www.grantalexander.com/consultant/catherine-tetart/
² J’ai acheté mon exemplaire numérique sur Apple. Pour une copie papier, le distributeur est Hachette.
³Les méduses n’ont pas d’oreilles, par Adèle Rosenfeld (Grasset, 2022)
Une des questions que lui pose son « moi », son « ab-surdité »:
« Et pourquoi tu ne parles pas de tes difficultés? Pourquoi tu ne partages pas ce que tu ressens dans ces moments-là? Peut-être que tes amis pourraient t’aider à les traverser? » p.22
C’est une question fort légitime en effet qui demande réflexion. Catherine Tetart nous offre enfin deux pages de suggestions de petits bonheurs afin de :
« Ne plus subir mais accepter ce qui est pour se réinventer. » p. 53
Même si certaines réalités sont différentes (le lieu d’origine, les expériences professionnelles, sportives de haut niveau), le témoignage de Catherine Tetart permet de retrouver des situations familières et de se sentir moins isolé.e.s.
Une lecture que je vous recommande!
NDLR (Note de la rédaction) : L’autrice de ce texte, France Lapierre, de Laval, a reçu, en octobre 2024, le deuxième prix ex aequo du 39e concours littéraire de la revue Lurelu pour sa nouvelle «La plante verte», qui sera publiée dans Lurelu en 2025. Madame Lapierre est membre d’Audition Québec.
Découvrez-en plus sur elle dans ce texte publié dans la rubrique Témoignages.