Par David Gélinas, président de l’Ordre des audioprothésistes du Québec
Il existe en ce moment au Québec, un manque d’équité flagrant dans les critères d’admissibilité au Programme d’aides auditives de la Régie de l’assurance-maladie du Québec (RAMQ). À l’Ordre des audioprothésistes du Québec (OAQ), nous sommes préoccupés par cette situation qui prive des personnes malentendantes d’appareillage qui leur est essentiel.
En effet, la couverture publique est doublement restrictive. D’abord, pour les adultes qui ne sont pas aux études, aucune prothèse n’est remboursée si la perte auditive touche seulement une oreille : il faut être malentendant des deux côtés pour être admissible. Ensuite, même en cas de surdité aux deux oreilles, la RAMQ ne couvre qu’une seule prothèse auditive pour les retraités ou les personnes sans emploi. Et pour ces personnes, l’accès au programme est conditionnel à une perte auditive moyenne d’au moins 35 décibels à 500, 1000 et 2000Hz dans chaque oreille. En conséquence, de nombreuses personnes malentendantes retardent leur appareillage, ce qui entraîne à long terme des coûts sociaux et économiques importants.
À titre de président de l’OAQ, j’appelle le gouvernement à conserver la gratuité du programme tout en modernisant la couverture actuelle qui est discriminatoire. Comme société, on doit choisir de mieux aider les personnes les plus vulnérables.
Une étude économique pour appuyer nos revendications
Nous avons ainsi profité du mois de l’audition pour diffuser les résultats d’une toute nouvelle étude indépendante que nous avons commandée pour étayer nos demandes au gouvernement.
Cette étude vient démontrer clairement que l’investissement en santé auditive améliore significativement la qualité de vie, tout en étant économiquement intelligent : chaque dollar investi dans une couverture publique élargie générerait jusqu’à 8,90 $ en bénéfices nets pour le gouvernement sur un horizon de 5 ans.
L’urgence d’agir est réelle : près de 70 % des personnes malentendantes ne sont pas équipées de prothèses auditives, alors que les bienfaits de celles-ci sont largement démontrés. Le taux d’adoption des prothèses auditives au Québec est de 32 %, ce qui est largement inférieur à celui observé en France (46 %) ou au Danemark (55 %).
Différents scénarios de bonification de la couverture de la RAMQ ont été évalués dans cette Analyse avantages-coûts de la bonification du programme de prothèses auditives menée pour l’Ordre. L’un deux, inspiré du modèle français avec un taux d’adoption des prothèses auditives à 46 %, nécessiterait un investissement supplémentaire de 133 M$ par le gouvernement québécois sur cinq ans, mais générerait des gains corollaires de 1,2 G$, soit un avantage net de 1,04 G$. C’est clair, les bénéfices d’une meilleure couverture publique des prothèses auditives seraient majeurs.
L’accès aux prothèses auditives n’est pas un simple confort, mais c’est un impératif de santé publique. Permettre aux gens d’entendre, de comprendre et d’interagir avec leur environnement, c’est gagnant-gagnant pour toute la société. À l’Ordre, nous sommes convaincus que chaque personne qui a besoin d’être appareillée devrait l’être pour les deux oreilles. Nous ne lâcherons pas tant que le gouvernement n’entendra pas raison.