
Par Jean-Sébastien Marier, Université d’Ottawa
Environ 6 personnes sur 10 se disent préoccupées face à ce qui est vrai ou faux sur Internet, selon l’édition 2024 du Digital News Report de l’Institut Reuters pour l’étude du journalisme, qui se base sur un sondage mené auprès de plus de 95 000 répondants dans 47 pays.
C’est dans ce contexte que j’ai offert un atelier sur la désinformation et la mésinformation en ligne dans une demi-douzaine d’écoles secondaires de la région d’Ottawa et de l’Est ontarien au cours des derniers mois. Ce projet était inspiré des formations offertes par d’autres organismes comme HabiloMédias et Centre québécois d’éducation aux médias et à l’information.
Dans le cadre de cet atelier, j’étais accompagné d’étudiantes du Département de communication de l’Université d’Ottawa. Au fil de nos rencontres, un constat s’est vite imposé : la grande majorité des jeunes devant nous consomment très peu de contenus émanant des médias traditionnels. Au quotidien, les chances sont très élevées qu’ils passent plus de temps à faire défiler des vidéos TikTok sur leur téléphone intelligent qu’à lire les sites Internet de médias reconnus, à écouter la radio ou à regarder le journal télévisé.
Présentation au Centre Jules-Léger le 17 mars 2025
Crédit photo : Sarah Bataille
Notre visite au Centre Jules-Léger d’Ottawa s’est particulièrement démarquée. Nous y avons rencontré un groupe d’élèves Sourds et malentendants, puis un groupe de jeunes aveugles ou en basse vision.
En plus de rencontrer les mêmes enjeux que la population générale face à la désinformation et la mésinformation en ligne, ces jeunes doivent composer avec les défis additionnels liés à leur handicap. Par exemple, une personne entendante peut parfois rapidement se rendre compte que la narration d’une vidéo a été générée par l’intelligence artificielle. Ou encore, une personne voyante pourrait lire la note communautaire ajoutée par les utilisateurs d’un réseau social.
Or, les personnes vivant avec un handicap sont confrontées à des défis additionnels. Les chercheurs Filipo Sharevski et Aziz N Zeidieh ont mené une étude auprès de 29 personnes aveugles ou en basse vision qui utilisent Facebook, YouTube et TikTok. Ils ont constaté que les messages de mise en garde contre la mésinformation étaient peu utiles pour la très grande majorité de ces utilisateurs (72,4 %), notamment en raison de la façon dont ils sont affichés à l’écran.
Il importe également de souligner le recours de plus en plus fréquent à l’intelligence artificielle pour générer des textes alternatifs, des sous-titres et d’autres mesures « d’accessibilité » sur Internet. Par exemple, bon nombre de plateformes utilisent maintenant des outils basés sur l’IA pour générer automatiquement des textes alternatifs. Il en va de même pour les sous-titres sur des sites comme YouTube.
Une responsabilité partagée
Par ailleurs, cette situation ne concerne pas seulement les personnes vivant avec un handicap. Elle est un rappel de l’importance pour les gestionnaires de site Internet et autres plateformes en ligne de ternir compte des besoins de divers groupes d’utilisateurs en matière d’accessibilité. C’est également une réalité dont nous tiendrons encore davantage compte lors de la prochaine mouture de notre atelier dans les écoles.
INFORMATIONS SUR L’AUTEUR :
Jean-Sébastien Marier est professeur à nomination à long terme et coordonnateur du programme de journalisme numérique à l’Université d’Ottawa. Il est également instructeur en mise en récit des données à l’Université Carleton.