Santé auditive dans les centres de longue durée: recommandations de l’INESSS

Les milieux d’hébergement de longue durée du Québec sont des établissements qui accueillent des personnes qui ne peuvent plus demeurer dans leur milieu de vie habituel en raison d’une perte d’autonomie importante. Ces milieux regroupent, entre autres, les centres d’hébergement et de soins de longue durée (CHSLD), les ressources intermédiaires et de type familial (RI-RTF), ainsi que les maisons des aînés. Présentement, il y aurait environ 60 000 personnes qui résideraient dans l’un des milieux d’hébergement de longue durée du Québec. La majorité de ces personnes sont des aînés. Il est estimé qu’entre 60 et 80 % des résidents de ces milieux présenteraient une perte auditive, mais elle ne serait identifiée que chez une minorité d’entre eux.

Les conséquences de la perte auditive sont nombreuses et importantes pour les résidents des milieux d’hébergement de longue durée. Elle peut mener non seulement à des problèmes de perception auditive et de communication, mais aussi à de la fatigue, de l’anxiété, de l’isolement social, de la détresse psychologique et de la dépression. La perte auditive est aussi associée à un déclin cognitif et à des risques de chute plus élevés chez la personne aînée. Elle peut avoir un impact sur la communication avec le personnel de soins et les proches aidants, sur le comportement, sur la qualité des soins reçus de même que sur la participation et la qualité de vie des résidents, et ce, dans une période de vie particulièrement critique. 

Malgré ces faits connus, la santé auditive est peu considérée dans les milieux d’hébergement de longue durée du Québec. Il y a présentement peu de services de santé auditive offerts dans ces milieux. Les professionnels de la santé auditive (audiologistes, audioprothésistes et médecins ORL) qui y exercent leur métier sont rares. D’autre part, les équipes en place (ex. infirmières, préposées) ont peu de connaissances à propos de la santé auditive et elles ne sont pas bien outillées pour intervenir adéquatement sur cet aspect important de la santé. Il en découle que plusieurs résidents ayant une perte auditive ne reçoivent pas les services dont ils ont besoin.

Heureusement, le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) du Québec est bien au fait de la situation et des actions ont été réalisées au cours des dernières années pour améliorer les services offerts aux résidents qui vivent avec une perte auditive. Des éléments en lien avec la perte auditive ont été inclus dans la Politique d’hébergement et de soins et services de longue durée de 2021 ainsi que dans le Plan d’action pour l’hébergement de longue durée 2021-2026. Notamment, il est mentionné dans cette politique que « L’environnement physique des milieux de vie doit aussi être adapté aux personnes qui ont une déficience auditive et visuelle. […] Le milieu de vie doit donc être aménagé de façon que les chambres et les espaces communs favorisent la communication […]. » De plus, la mesure 22 du Plan d’action vise spécifiquement à « Adapter l’environnement et l’offre de soins et services aux réalités des personnes hébergées ayant une perte auditive ». 

Ce positionnement du MSSS en faveur d’une meilleure prise en compte des besoins des résidents qui ont une perte auditive est certes très encourageant pour l’avenir, mais comment y arriver, concrètement ? Quelles mesures mettre en place et comment ? Pour répondre à cette question, le MSSS s’est adressé à l’Institut National d’excellence en santé et en services sociaux (INESSS). Dans son récent rapport intitulé Pratiques pertinentes pour favoriser la santé auditive en milieu d’hébergement de longue durée, publié en 2023, l’INESSS présente 10 recommandations à l’intention du MSSS et des milieux d’hébergement de longue durée pour les guider dans la mise en place de pratiques favorisant la santé auditive des résidents. Voici un survol commenté de ces recommandations.

Trois recommandations ciblant tous les résidents

1) Dépistage des difficultés d’audition : un dépistage de la perte auditive doit être effectué auprès de tous les résidents lors de l’admission dans le milieu d’hébergement, si la personne rapporte des difficultés auditives et en fait la demande ou si des indices pouvant indiquer un changement dans la condition auditive de la personne sont observés. De plus, les personnes chez qui une perte auditive est suspectée devraient ensuite être orientées vers des services d’audiologie. Cette pratique représente un point de départ important parce qu’il est d’abord nécessaire de savoir qui sont les résidents qui ont une perte auditive pour ensuite pouvoir adapter les soins et les services à cette condition de santé.

2) Nettoyage des conduits auditifs : les conduits auditifs de tous les résidents doivent être examinés, puis nettoyés (si nécessaire), lors de l’admission dans le milieu d’hébergement, si la personne présente des symptômes en lien avec la présence potentielle de cérumen ou si des difficultés d’audition sont suspectées. Les bouchons de cérumen sont très fréquents parmi les résidents des milieux d’hébergement. Cette condition de santé peut, à elle seule, causer ou aggraver une perte auditive, d’où l’importance de retirer le cérumen dès qu’il s’accumule dans le conduit auditif.

3) Stratégies de communication : tous les membres du personnel, les bénévoles et les responsables des milieux d’hébergement de même que les proches aidants doivent utiliser des stratégies de communication appropriées en fonction du résident et de l’environnement où se déroule la communication. L’utilisation de stratégies de communication simples peut faire toute la différence pour les résidents qui ont une perte auditive et les personnes qui communiquent avec eux (ex. attirer l’attention de la personne avant de lui parler, regarder la personne en face, rendre son visage visible pour la personne, utiliser un débit et un volume de la voix normaux, nommer le sujet de conversation, etc.) Ces stratégies peuvent même être utiles avec des résidents qui ont des problèmes de communication causés par d’autres problèmes de santé, comme un trouble neurocognitif (ex. maladie d’Alzheimer) ou un trouble du langage (ex. aphasie).

Trois recommandations ciblant les résidents ayant des besoins spécifiques

4) Utilisation des aides auditives : chaque résident devrait pouvoir bénéficier de l’aide auditive qui répond à ses besoins et à ses préférences. À cet effet, l’évaluation de l’audition et des besoins en audiologie s’avérera très utile pour préciser les options les plus appropriées pour le résident. De plus, les milieux d’hébergement devraient rendre accessible des aides de suppléance à l’audition pour les résidents qui en ont besoin ponctuellement, comme des amplificateurs personnels avec écouteurs ou des systèmes d’écoute sans fil pour télévision. 

5) Interventions éducatives : les résidents et les proches aidants qui en ont besoin devraient avoir accès à des interventions éducatives au sujet de la santé auditive. Ces interventions pourraient porter, par exemple, sur la santé auditive et la perte d’audition, les stratégies de communication, la manipulation et l’entretien des aides auditives, les ressources disponibles pour soutenir les personnes qui vivent avec une perte auditive et leurs proches. 

6) Soutien émotionnel : les résidents dont la perte auditive affecte le bien-être émotionnel devraient pouvoir obtenir un soutien à ce niveau et, lorsque nécessaire, être dirigés vers les intervenants offrant des services psychosociaux.

Quatre recommandations ciblant l’organisation

7) Gestion des aides auditives : les milieux d’hébergement doivent mieux gérer les aides auditives des résidents, par exemple, en mettant en place un registre des aides auditives et en intégrant mieux l’utilisation et l’entretien des aides auditives dans les routines quotidiennes de soins. Il arrive fréquemment que des résidents perdent leurs appareils auditifs dans les milieux d’hébergement. Quand les appareils sont retrouvés, il peut être difficile de retracer leur propriétaire si les appareils ne sont pas correctement identifiés. La tenue d’un registre pourrait aider à ce niveau. De plus, certains résidents qui possèdent des appareils auditifs ne les utilisent pas parce qu’ils ont besoin d’aide pour les manipuler (ex. pour changer la pile et placer les appareils dans les oreilles), d’où l’importance que le personnel fournisse un soutien régulier à ce chapitre.

8) Adaptation de l’environnement : l’environnement sonore et lumineux des milieux d’hébergement doit être confortable pour les résidents et il doit favoriser la communication. C’est bien connu, le bruit ambiant entrave la communication, et ce, d’une manière plus importante chez les personnes qui présentent une perte auditive. Réduire les sources de bruit ambiant (ex. diminuer le volume de la télévision ou de la musique dans la salle commune, fermer la porte de la chambre pour réduire le bruit provenant du corridor) est donc un moyen efficace pour améliorer la communication. 

9) Formation du personnel, des bénévoles et des responsables : de la formation au sujet de la santé auditive doit être offerte au personnel, aux bénévoles et aux responsables des milieux d’hébergement. Les personnes qui œuvrent dans les milieux d’hébergement n’ont généralement pas beaucoup de connaissances dans le domaine de la santé auditive, car cela ne leur est pas enseigné (ou très peu) quand elles sont sur les bancs d’école. Pour qu’elles soient en mesure d’appliquer les recommandations de l’INESSS, il est essentiel de leur offrir de la formation sur la santé auditive, le dépistage de la perte auditive, la gestion du cérumen, l’utilisation des stratégies de communication, la manipulation et l’entretien des aides auditives, etc. Ce point est crucial et nous l’avons identifié comme cible prioritaire d’intervention. Nous menons présentement des travaux en collaboration avec le CIUSSS de la Capitale-Nationale et le CIUSSS Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal pour développer et valider des activités de formation à l’intention du personnel de soins des milieux d’hébergement de ces organisations.

10) Personne-ressource en santé auditive : au moins une personne par milieu d’hébergement devrait être responsable d’assumer le rôle de personne-ressource en santé auditive pour soutenir la mise en œuvre des pratiques recommandées. Selon l’INESSS, cette personne-ressource ne serait pas un professionnel de la santé auditive, mais plutôt une personne issue d’une autre profession, déjà présente dans le milieu, comme une infirmière, ergothérapeute, technicienne en loisirs ou autre. Cette personne recevrait une formation et un accompagnement personnalisés par un professionnel de la santé auditive, selon ses besoins et les responsabilités qui lui sont confiées. Elle jouerait le rôle d’agent multiplicateur auprès des autres membres du personnel de son milieu d’hébergement. Ainsi, il y aurait au moins une personne par milieu qui serait apte à soutenir et à orienter les autres intervenants, les résidents et les proches qui rencontrent des difficultés en lien avec la santé auditive.

Pour l’instant, à notre connaissance, les recommandations de l’INESSS sur la santé auditive n’ont pas encore été mises en place dans les milieux d’hébergement de longue durée du Québec. Est-ce que le MSSS et les milieux d’hébergement iront de l’avant en ce sens ? Seul l’avenir nous le dira. 

Services en santé auditive actuellement disponibles

En attendant, les personnes qui ont une perte auditive et qui vivent dans un milieu d’hébergement de longue durée peuvent recevoir des services de santé auditive en s’adressant à un professionnel de la santé auditive (ex. audiologiste, audioprothésiste ou médecin ORL). Ces services sont habituellement disponibles en consultation externe, que ce soit à l’hôpital ou en clinique privée. En général, il faut se déplacer en dehors du milieu d’hébergement pour recevoir les services, mais certains audiologistes et audioprothésistes peuvent effectuer des consultations dans le milieu. Pour trouver un audiologiste ou un audioprothésiste dans votre région, consultez les sites de l’Ordre des orthophonistes et audiologistes du Québec (https://www.ooaq.qc.ca) et de l’Ordre des audioprothésistes du Québec (https://audioprothesistes.org) ou composez le 811. 

Les recommandations de l’INESSS, si elles étaient appliquées, pourraient réellement faire une différence importante pour les résidents qui vivent avec une perte auditive, leurs proches et les équipes soignantes en améliorant la communication entre les personnes impliquées. Tout le monde qui vit ou qui œuvre en milieu d’hébergement en sortirait gagnant!

INFORMATIONS COMPLÉMENTAIRES :

Le rapport complet de l’INESSS est disponible en ligne à l’adresse suivante : https://www.inesss.qc.ca/fileadmin/doc/INESSS/Rapports/ServicesSociaux/INESSS_Sante_auditive_Avis.pdf

Un résumé de ce rapport a également été publié par l’INESSS : https://www.inesss.qc.ca/fileadmin/doc/INESSS/Rapports/ServicesSociaux/INESSS_Reperes_Sante_auditive.pdf

La Politique d’hébergement et de soins et services de longue durée de 2021 du Gouvernement du Québec est disponible à l’adresse suivante : https://publications.msss.gouv.qc.ca/msss/fichiers/2020/20-814-01W.pdf

Le Plan d’action pour l’hébergement de longue durée 2021-2026 du Gouvernement du Québec est disponible à l’adresse suivante : https://publications.msss.gouv.qc.ca/msss/fichiers/2022/22-814-01F.pdf

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