Une longue marche vers une communication de plus en plus “intelligente” et efficace
Le 25 novembre 1959 je devenais subitement et totalement sourd. Des services de réadaptation étaient disponibles pour les enfants et les adolescents – Institut des Sourds-muets / Institut des Sourdes-muettes – mais pour les adultes devenus sourds, aucun service structuré n’était accessible. C’est par auto-apprentissage que j’arriverai à maîtriser une honnête lecture labiale. Au cours des 24 années suivantes, sans toutefois en faire une obsession, je serai toujours à l’affût et curieux envers tout ce qui serait susceptible de repousser le « mur du silence » et d’améliorer ma technique de communication.
C’est ainsi qu’en mars 1983, je visite le Salon de la Science et de la Technologie de Montréal tenu, cette année-là, sous le thème des communications. On y présente, entre autres, les amorces de recherches sur la reconnaissance vocale. En contemplant l’ordinateur géant qui transforme quelques courtes phrases parlées en texte écrit, et en admiration devant quelques autres « bidules sophistiqués » je rêve aux possibilités qu’ils offriraient comme solutions aux problèmes de communication entre devenus sourds et entendants!
Plus concrètement, au même Salon, c’est à l’humble kiosque des Sourds signeurs que je découvre le prospectus de la jeune Association des Devenus Sourds du Québec – ancêtre d’Audition Québec – trouvaille qui m’incitera à plonger, pour les 25 années suivantes, dans cette mer mouvante des besoins, des attentes, et des services nécessaires aux personnes devenues /devenant sourdes pour assurer leur autonomie et leur intégration « À PART ENTIÈRE ».
Quand un dernier au revoir est impossible
En décembre 2020, peu avant le décès d’un de mes frères alors en phase terminale aux soins palliatifs, sa fille me fait savoir que mon frérot voudrait intensément me « jaser personnellement ». La COVID régnant, je suis confiné en résidence et par surcroît, les visites à l’hôpital sont interdites. Des essais par communication vidéo pour tenter une lecture labiale minimale furent un échec amer.
Bien sûr, pour « Madame et Monsieur Tout le monde » il reste l’indétrônable téléphone. Mais qu’il soit à cadran, à boutons poussoirs, cellulaire ou intelligent, pour le sourd oraliste que je suis, c’est du pareil au même : utopie et frustration lancinante. J’ai cherché, j’ai questionné, j’ai testé les applications permettant le sous-titrage de courtes phrases, mais je n’ai rien trouvé qui puisse s’approcher un tant soit peu d’une conversation téléphonique simple, directe et personnelle entre une personne sourde oraliste et une personne entendante.
J’en ai QUASI fait mon deuil jusqu’à la réception du Sourdine Express de février 2024 dans lequel Madame Jeanne Choquette relate le défi qu’elle a relevé en testant les applications permettant de transcrire en direct les appels téléphoniques. C’est le mot EFFICACE qui m’a fait échapper un OUF! sonore et un ENFIN! libérateur!
Oui, ENFIN, grâce à Madame Choquette, grâce aux collaboratrices / collaborateurs de haute qualité qu’elle a rassemblés, Audition Québec poursuit sa mission d’offrir des solutions facilitant le quotidien des personnes malentendantes. Vous venez de dénicher un merveilleux instrument qui permet de changer l’utopie en réalité, de rendre possible aujourd’hui ce qui était impossible hier ou avant-hier! Pour calmer mon enthousiasme un peu…exubérant, j’ai préféré, laissé mijoter / mûrir pour quelques semaines ce projet, un peu fou, pour le nonagénaire que je suis : apprivoiser le téléphone intelligent et rejoindre quiconque grâce au sous-titrage en direct.
13 mars 2024 – c’est un jour à marquer d‘une pierre blanche – l’achat, l’activation, la programmation et l’installation du logiciel de Rogervoice sont complétés. Mon apprentissage concret débute!
Je suis tout de même un peu songeur et je ressens un certain vertige. Faire un saut de 65 ans dans le monde de la téléphonie – je suis hors-circuit depuis 1959 – passer de ce qui était le bon vieux téléphone à cadran de grand-papa au gadget intelligent du jour et cela à bientôt 91 ans…! J’ai tant désiré ce moment que je me dois, pour et avec Audition Québec, de compléter victorieusement cette longue marche vers un sous-titrage efficace d’un appel téléphonique. La voix de mon défunt frérot me chuchote ce qu’il me disait au début de ma surdité : « Léon, tu vas y arriver! » Ça me rassure!
Léon Bossé
Président ADSQ – ADSMQ 1985-1994
Président honoraire 2002
Pour revoir Léon Bossé raconter les débuts de l’ancêtre d’Audition Québec
De l’ADSQ à l’ADSMQ à Audition Québec : 40 ans à votre service
(documentaire réalisé à l’occasion du 40e anniversaire de l’organisme en 2022) :
https://auditionquebec.org/de-ladsq-a-ladsmq-a-audition-quebec-40-ans-a-votre-service/
Diaporama “Les 40 ans d’Audition Québec”, réalisé en 2022 :
https://auditionquebec.org/diaporama-les-40-ans-daudition-quebec/