L’hyperacousie est le terme clinique utilisé pour décrire une hypersensibilité auditive. Pour les patients concernés, les sons semblent beaucoup plus forts que ce que les autres entendent, ou même par rapport à ce qu’ils entendaient auparavant (selon la définition la plus récente de Adams et al., 2021).
C’est comme si le volume était réglé au maximum pour ces patients, même pour des bruits qui semblent pourtant normaux pour les autres. Cette particularité suggère que, pour un même son, une personne peut le trouver confortable tandis qu’une autre le jugera fort. Pour évaluer cette différence subjective, nous utilisons le terme « sonie », qui représente la perception subjective de l’intensité des sons.
DE NOUVELLES PISTES DE RECHERCHE POUR MIEUX COMPRENDRE L’HYPERACOUSIE
Dans cet article, nous explorons les nuances de l’hyperacousie et présentons de nouvelles pistes de recherche qui pourraient révolutionner sa compréhension et son traitement.
En tant qu’audiologiste, mon diagnostic de l’hyperacousie repose principalement sur les symptômes que me rapportent mes patients. Mais pour obtenir des informations plus précises, j’utilise également des tests spéciaux pour évaluer leurs réactions aux bruits forts. Par exemple, je peux augmenter doucement le volume d’un son et demander au patient quand ça devient trop fort pour lui. Cela me permet d’obtenir ce qu’on appelle ses « seuils d’inconfort ».
Cependant, des études, telles que celle de Sheldrake en 2015, ont révélé une grande variabilité dans les seuils d’inconfort chez les personnes souffrant d’hyperacousie. Cela signifie qu’une personne “A” peut réagir très rapidement en disant « stop, c’est trop fort » même pour un son relativement faible de 30 décibels, tandis qu’une personne “B” peut supporter des niveaux sonores beaucoup plus élevés, atteignant par exemple 110 décibels, avant de ressentir un inconfort.
Pourtant, dans la vie quotidienne, la personne “B” qui tolère les niveaux sonores plus élevés peut être plus dérangée par les bruits que la personne “A” dont les seuils d’inconfort sont plus bas. Cela peut sembler paradoxal, n’est-ce pas ?
Il existe deux explications possibles à ce phénomène :
Premièrement, les sons utilisés lors des tests ne représentent peut-être pas les types de bruits auxquels les personnes sont exposées au quotidien. Deuxièmement, il est possible que l’utilisation d’une seule échelle de mesure, principalement basée sur la perception sensorielle du son (par exemple, juger un son sur une échelle de « inaudible » à « trop fort »), ne soit pas suffisante pour capturer toute la complexité de l’expérience auditive.
UNE NOUVELLE FAÇON DE DIAGNOSTIQUER ET TRAITER L’HYPERACOUSIE
Dans le cadre de ma thèse, j’avance une hypothèse novatrice : il existe deux dimensions distinctes de la sonie, à savoir la dimension sensorielle et la dimension affective. En d’autres termes, je propose que pour une compréhension complète de l’expérience auditive, il est essentiel de prendre en compte non seulement la perception du volume sonore, mais aussi l’appréciation subjective du son. Cette proposition pourrait révolutionner notre approche du diagnostic et du traitement de l’hyperacousie.
En utilisant une approche expérimentale, nous avons demandé à un groupe de jeunes adultes sans problème auditif de juger une série de sons à différents volumes et valences (ou connotations) émotionnelles. Parmi ces sons figuraient des sons familiers du quotidien, tels que de la musique plaisante, une alarme d’incendie déplaisante ou le bruit neutre d’un train qui passe. Nous avons également inclus des sons artificiels, qui sont des sons synthétiques et sans signification particulière, comme des tonalités répétitives ou des bruits blancs continus.
Les résultats ont révélé que, tandis que le volume sonore était jugé de manière similaire quelle que soit la valence du son, l’appréciation du son variait considérablement. Les sons plaisants étaient généralement perçus comme tels, même à forte intensité, tandis que les sons déplaisants le restaient, indépendamment du volume.
Une découverte surprenante était que les sons artificiels, souvent utilisés en clinique d’audiologie, étaient perçus comme aussi déplaisants que certains stimuli déplaisants à forte intensité. Cette observation remet en question l’efficacité des tests de sonie traditionnels et souligne l’importance d’utiliser des sons naturels pour évaluer l’hyperacousie.
Les implications de cette recherche sont vastes. En adoptant une approche à deux échelles de sonie, nous pourrions non seulement améliorer la sensibilité du diagnostic de l’hyperacousie, mais aussi identifier des sous-types de la condition. Cette distinction entre les aspects sensoriels et affectifs de la sonie pourrait orienter le développement de traitements personnalisés, mieux adaptés aux besoins individuels des patients.
POUR INFORMATIONS SUPPLÉMENTAIRES ET/OU PARTICIPER À L’ÉTUDE
Si vous êtes intéressé.e.s à participer à nos études sur l’acouphène ou l’hyperacousie, ou si vous souhaitez obtenir plus d’informations, n’hésitez pas à contacter notre laboratoire de recherche à l’adresse électronique suivante : labo-acouphene@eoa.umontreal.ca
Ensemble, nous pouvons faire avancer la recherche et améliorer la qualité de vie des personnes touchées par ces conditions auditives souvent négligées.
Références
Adams, B., Sereda, M., Casey, A., Byrom, P., Stockdale, D., & Hoare, D. J. (2021). A Delphi survey to determine a definition and description of hyperacusis by clinician consensus. International journal of audiology, 60(8), 607-613.
Sheldrake, J., Diehl, P. U., & Schaette, R. (2015). Audiometric characteristics of hyperacusis patients. Frontiers in neurology, 6, 105.