La surdité : entre la vie et la mort

Avec des années de recherche sur la qualité de vie, la cognition, la santé dans le domaine de l’audition, une relation particulière a été identifiée : la surdité constituerait un facteur de risque de développer des problèmes de santé et mènerait à la mort. Il est donc important de se questionner sur les méthodes pour renverser la tendance (port des prothèses auditives, l’implantation cochléaire, etc.) et leur efficacité dans la diminution du taux de mortalité. Une étude très récente parue cette année examine les associations entre la perte auditive, l’utilisation d’appareils auditifs et la mortalité aux États-Unis.

D’une cohorte de 9 885 adultes ayant participé à l’Enquête nationale d’examen de santé et de nutrition (National Health and Nutrition Examination Survey) de 1999 à 2012, les résultats d’examens spécifiques de 1 863 personnes malentendantes ont été analysés. Les principales mesures comprenaient le degré de perte auditive et une moyenne de leur utilisation d’aides auditives (jamais, non régulière ou régulière). Le taux de mortalité de la cohorte était lié à l’indice national de mortalité annuel et ce à la fin de 2019. Des modèles de régression proportionnelle de Cox ont été utilisés pour examiner la relation entre la perte auditive, l’utilisation d’appareils auditifs et la mortalité tout en ajustant les données démographiques et les antécédents médicaux.

La cohorte complète comportait un âge moyen de 48,6 ans au départ. La prévalence pondérée de la perte auditive mesurée par audiométrie était de 14,7 % et le taux de mortalité toutes causes confondues était de 13,2 % à une période médiane de 10,4 ans. Chez les adultes malentendants, le taux d’utilisation régulière des appareils auditifs était de 12,7 %. Parmi les personnes malentendantes, le risque de mortalité ajusté était plus faible parmi les porteurs réguliers d’aides auditives par rapport aux non-porteurs utilisateurs en tenant compte de l’âge, du degré de surdité et d’autres facteurs reliés à la santé. 

L’IMPACT DU PORT D’AIDE AUDITIVES SUR LA LONGÉVITÉ

Des recherches d’articles scientifiques dans une base de données très sérieuse (PubMed) ont été faites pour recenser toutes les études sur le lien entre l’utilisation d’aides auditives et le taux de mortalité. Cependant, le port d’une aide auditive ou pas n’était pas toujours pris en considération. Deux études ont signalé des effets positifs de l’utilisation d’aides auditives. Pour d’autres études, le lien était moins clair. Il s’agit donc de l’analyse la plus complète à ce jour et fournit une évaluation à long terme de l’association entre l’utilisation des aides auditives et la mortalité. De plus, en raison du grand échantillon, les données peuvent être généralisées à la population américaine.

Plusieurs hypothèses peuvent expliquer cette relation. La première raison possible impliquerait des pathologies qui affectent à la fois l’audition (et autres comorbidités) qui entraînent la mort, comme les maladies cardiovasculaires, le diabète et la démence. Cependant, si cela était le cas, alors porter des prothèses auditives ou non ne modifierait pas le risque de mortalité. 

La deuxième raison possible fonctionnerait via l’effet de la perte auditive sur la fragilité ou vulnérabilité face aux différents problèmes de santé, un syndrome de déclin physiologique lié au vieillissement, la fragilité étant de plus en plus considérée comme puissant prédicteur du taux de mortalité dans la littérature. La privation sensorielle causée par la perte auditive pourrait affecter le maintien des structures du cerveau. L’association entre la déficience auditive et la fragilité se caractériserait par une détérioration des capacités mentales, physiques, et du fonctionnement cognitif (p. ex., isolement social, anxiété, dépression, diminution de l’activité physique, etc.).

Enfin, l’impact de la surdité sur la communication entre un patient malentendant et son clinicien a également été suggéré comme un facteur contribuant à l’augmentation des risques d’hospitalisation et de soins de santé chez les personnes âgées adultes ayant une perte auditive non traitée. En effet, communiquer efficacement avec son clinicien grâce au port d’aides auditives pourrait améliorer l’efficacité du traitement des patients et contribuer davantage à de meilleurs résultats pour la trajectoire de santé.

Il est certain que d’autres recherches sont nécessaires pour élucider l’effet protecteur d’une bonne santé auditive sur la longévité en bonne santé.

De nombreux facteurs expliquent la faible utilisation des aides auditives (le coût, la complexité du système des soins en santé auditive, le manque de sensibilisation sur les solutions disponibles et sur les conséquences d’une perte auditive de longue date et la stigmatisation associée à la surdité). Des disparités quant à l’accès au port d’appareils auditifs ont d’ailleurs été démontrées chez les minorités ethniques et les individus issus d’un statut socio-économique faible. Les professionnels de la santé auditive doivent donc poursuivre leurs efforts pour promouvoir l’utilisation régulière des prothèses auditives et leur accessibilité lorsque cela est indiqué et possible.

Référence : Choi, J. S., Adams, M. E., Crimmins, E. M., Lin, F. R., & Ailshire, J. A. (2024). Association between hearing aid use and mortality in adults with hearing loss in the USA: a mortality follow-up study of a cross-sectional cohort. The Lancet Healthy Longevity5(1), e66-e75.

Repéré sur : https://www.thelancet.com/journals/lanhl/article/PIIS2666-7568(23)00232-5/fulltext

 

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