Hommage à Léon Bossé

C’est avec beaucoup de tristesse que j’ai appris le décès de Monsieur Léon Bossé, membre honoraire d’Audition Québec, le 28 juillet dernier. C’est vraiment un monument de la communauté québécoise des personnes malentendantes, sourdes et devenues sourdes qui s’est éteint.

Je remercie le ReQIS, qui m’a invitée à prononcer quelques mots lors de ses funérailles, qui ont eu lieu le 12 août à l’église Saint-Athanase, à Saint-Jean-sur-Richelieu. J’ai demandé à Solange Ouellette, membre honoraire et bras droit de la première heure de Léon, de prendre la parole également. Vous pourrez lire son texte plus bas, voici le mien : 

C’est en novembre 2021, que j’ai eu le plaisir de rencontrer pour la première fois Léon Bossé pour faire une entrevue avec lui dans le cadre d’un documentaire que je préparais sur les 40 ans d’existence de l’Association des devenus sourds et malentendants du Québec, qui s’appelle maintenant Audition Québec.

C’est en sortant de cette entrevue que j’ai vraiment pris la mesure de ce grand homme. J’ai été estomaquée de constater à quel point les nombreuses batailles qu’il a menées ont pu changer le quotidien des personnes malentendantes, sourdes et devenues sourdes.

Léon m’avait alors remis un exemplaire dédicacé de son livre « Façonné par la vie ». En le lisant, j’ai pu réaliser à quel point il avait fait preuve de résilience devant le grand choc de perdre l’ouïe presque du jour au lendemain, en 1959.

Il écrivait : « Une chose est sûre : j’ai la ferme intention de prendre tous les moyens nécessaires pour percer cet invisible et « quasi infranchissable » mur des sons. »

Plus loin il explique qu’au début, il voulait que tous ceux qui s’adressaient à lui écrivent ce qu’ils voulaient dire sur une feuille de papier. Mais sa sœur Suzanne a insisté : il fallait qu’il développe ses compétences en lecture labiale.

Il a bien essayé au début des années 60 de trouver des services adaptés à sa réalité de personne devenue sourde, qui lisait sur les lèvres, mais c’était quasi inexistant. Léon était toujours à l’affût des possibilités d’améliorer la communication avec les autres.

C’est ce qui l’a amené, en mars 1983, à visiter le Salon de la Science et de la Technologie de Montréal, qui se tenait sous le thème des communications.  Dans notre entrevue pour le documentaire, il m’a parlé avec passion de tous les systèmes technologiques qu’il avait vu et qui étaient précurseurs de ce qu’on connaît aujourd’hui, les vidéoconférences, par exemple. Et c’est là qu’il a découvert l’Association des devenus sourds du Québec, devenue par la suite l’Association des devenus sourds et des malentendants du Québec, l’ADSMQ, puis Audition Québec.

C’est dans ces années-là qu’il a découvert un nouvel outil, qui a changé sa vie: l’interprétation orale. Je le cite, dans son livre : « Ma surdité de 1959, perdait ses derniers lambeaux de « tragique » et ses effets fâcheux s’estompaient de plus en plus. Mon implication dans la vie associative allait prendre, grâce à l’interprétation orale, un élan majeur. Tout – ou presque – devenait possible! » 

Et quelle implication ce fut! C’est impossible ici de faire la liste de tout ce que Léon a fait, mais voici quelques exemples :

  • Il s’est assuré que la communauté des personnes malentendantes et devenues sourdes soit bien représentée au premier sommet québécois de la déficience auditive en 1986. 
  • Il s’est impliqué à fond dans le Centre québécois de la déficience auditive (l’ancêtre du ReQIS) pour mieux défendre les intérêts et les droits de notre communauté.
  • Il a même été président de la Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec (COPHAN) pour faire avancer la cause de toutes les personnes handicapées.
  • Il a participé à la création du Service de Relais Bell.
  • Si la RAMQ paie pour la réparation des aides auditives, c’est grâce à lui! 
  • Il a participé à la création du SIVET, le Service d’interprétation visuelle et tactile.
  • Il a même aidé à faire modifier le code du bâtiment pour les personnes sourdes!
  • Et j’en passe, c’est étourdissant.

Pour ma part, je suis très fière de lui avoir fait découvrir une application qui permet de sous-titrer les appels téléphoniques en direct. Ça lui a permis de parler au téléphone avec ses proches pour la première fois depuis 1959. J’étais tellement émue d’apprendre ça que je suis retournée à Saint-Jean sur Richelieu pour le filmer en action.

Et c’est avec l’aide de cette application qu’il m’a téléphoné en mai dernier alors qu’il était hospitalisé. Je sentais qu’il était très seul, et ça m’a fait chaud au cœur de pouvoir m’entretenir quelques minutes avec lui. J’ai vraiment senti qu’il était prêt à faire le grand voyage et qu’il était serein. 

Léon, au nom de toute la communauté des personnes malentendantes, devenues sourdes, et sourdes signeures, je te remercie pour les avancées incroyables que tu as réussi à obtenir pour nous. Tu peux dire mission accomplie. Repose en paix.

INFORMATIONS COMPLÉMENTAIRES :

La notice nécrologique de Léon Bossé

L’utilisation par Léon du système RogerVoice : 

Changer l’utopie en réalité : une longue marche

Léon et son nouveau téléphone

Pour voir la vidéo des funérailles de Léon Bossé

Pour revoir Léon Bossé raconter les débuts de l’ancêtre d’Audition Québec

De l’ADSQ à l’ADSMQ à Audition Québec : 40 ans à votre service

(documentaire réalisé à l’occasion du 40e anniversaire de l’organisme en 2022) :

Diaporama “Les 40 ans d’Audition Québec”, réalisé en 2022 :

Voici le texte lu par Solange Ouellette lors des funérailles de Léon Bossé

En 1986, je me suis rendue avec certains membres au local de l’Association des devenus sourds du Québec pour voir l’équipe. C’est à ce moment que j’ai vu toute l’ampleur du travail de Léon. Il se préparait pour le « Sommet québécois sur la déficience auditive de 1986 », qui devait se tenir au Centre Sheraton de Montréal. Nous l’avons aidé à préparer le matériel pour la sensibilisation.

Lors de L’assemblée générale en mai 1986, tenue au Collège Laval, j’étais intervenue pour remercier la communauté des Frères maristes qui nous faisait cadeau de notre président Léon. Le directeur de l’époque avait répliqué « C’est vous qui faites un cadeau à la communauté et à Léon en lui permettant ainsi de s’épanouir parmi vous. »  Et à la joie de tous, il avait ajouté « Très volontiers je vous le laisse pour l’Association des devenus sourds et malentendants du Québec » Quel bonheur d’aider les devenus-devenant sourds. Nous sommes très reconnaissants envers la communauté.

Léon a souvent fait face à la maladie au cours de sa vie. Il était d’une résilience remarquable.   Il a été un modèle pour plusieurs d’entre nous de la communauté des personnes avec une déficience auditive. 

On s’écrivait de façon ponctuelle avec le téléscripteur et plus tard avec le courriel. J’ai tellement appris en le côtoyant sur les maintes stratégies pour faire face à la surdité. J’ai décidé de m’impliquer en faisant du bénévolat à l’accueil ainsi que préposée à l’animation des pratiques de lecture labiale ainsi qu’une panoplie d’activités sociales durant plusieurs années.

Léon était un homme exceptionnel, dévoué à la cause ainsi qu’un grand ami personnel et proche de ma famille.

Source des photos à l’église : Frères Maristes du Canada

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