De la Bretagne aux lacs du Québec
Nageuse depuis mon enfance, j’ai quitté la France – et surtout ma Bretagne natale – avec un pincement au cœur : fini l’eau salée, les vagues, l’odeur de l’océan, les baignades en à peine 10 minutes de la maison. Je pensais devoir faire un trait sur les plaisirs de l’eau en débarquant au Canada.
Innocente Française qui émigre dans le pays qui compte certainement plus de lacs que d’habitants…
Un premier défi pas si relax
Une fois installée, je me renseigne sur les activités nautiques dans mon coin. Je repère un défi de nage au lac Beauport. Confiante – trop – je m’y inscris pour une petite distance de 500m, moi la nageuse confirmée … en piscine. Je préviens l’organisation que je suis malentendante et que je nage sans mes appareils. Légère crispation du côté de l’équipe, j’évite de préciser que c’est ma toute première fois en eau libre au Canada.
Ma première crainte au départ est de ne pas entendre … le départ. Finalement, l’ambiance est détendue : les organisateurs font le décompte avec leurs mains – 3, 2, 1, Go! – et je plonge. Mes réflexes de compétitrice prennent le dessus, je pars à fond. Très vite, je réalise mon excès de confiance : faible visibilité dans l’eau, des indications visuelles que je n’ai pas encore appris à repérer, je nage un peu à l’aveugle, je bois la tasse comme on dit dans mon pays natal. Ma dignité me rappelle à l’ordre : on souffle, on se calme. Je constate que j’ai largement distancé mes concurrents. Me reviennent alors les consignes du départ : on prend ça relax!
Je termine le défi en deuxième position, brûlée, essoufflée, à moitié noyée dans l’eau du lac, mais digne. Mon seul regret sera finalement de ne pas avoir pu entendre mes enfants m’encourager et m’applaudir à l’arrivée. Je les entendrai dans la vidéo que mon conjoint aura fait de mon arrivée.
Photos prises lors du “Défi nage ton lac Beauport”
Des cours et une coach à l’écoute
L’année suivante, je décide de faire les choses bien. Je m’inscris aux cours du mardi soir avec Sabrina, la super coach du Centre nautique du lac Beauport. Je précise ma surdité dès le début. Aucun problème pour elle, elle sait s’adapter : elle donnera les instructions avant qu’on se mette à l’eau quand j’aurai encore mes appareils, elle me laissera m’approcher de sa planche pour lire sur ses lèvres pendant la nage. Tout au long des cours, elle s’assure d’un regard que j’ai bien compris.
Entre nous, il m’arrive – souvent voire tout le temps – de ne pas comprendre le conseil ou une blague entre nageurs pendant les pauses. Mais ça ne m’empêche pas de profiter. Le malentendant est, par nature, un expert du lâcher-prise. Et c’est exactement ce que m’apporte la nage en eau libre : le silence sous la surface, le rythme de ma respiration, l’agitation de l’eau, les oiseaux qui nous accompagnent, la communion avec la nature.
Par contre, quand on me propose de participer à une nage de nuit, là on atteint mes limites. Je me suis vue dans le noir, éblouie par les lampes frontales des autres nageurs, tentant de deviner la fin de phrases du type : « surtout évitez de… glgjkdjf… parce qu’une fois rendu là, on ne pourra pas… glglgjkf ».
Lâcher prise oui, mais pas trop, quand même.
Surdité et eau libre : une belle compatibilité
Inquiète de ne plus pouvoir profiter des baignades en pleine nature, j’ai finalement trouvé au Québec de quoi compenser ce que j’ai laissé derrière moi en Bretagne.
Ma surdité n’a jamais entamé ma motivation. Avec une coach à l’écoute et quelques ajustements simples – donner les consignes avant de retirer les appareils, faciliter la lecture labiale – la pratique est sécuritaire et agréable.
La nage en eau libre m’a appris que la surdité n’empêche en rien de pratiquer son activité favorite. Au contraire, elle en accentue les plaisirs : silence, concentration, lâcher-prise.
On se retrouve au lac?