Sourde ou malentendante?

La vie a fait en sorte que j’ai eu à subir récemment une chirurgie importante, nécessitant plusieurs jours d’hospitalisation. Je savais déjà que j’aurais à préparer pas mal de choses pour m’assurer que mes processeurs d’implants cochléaires soient toujours en état de marche, mais j’avais sous-estimé les problèmes communicationnels post-Covid que j’aurais à vivre avec le personnel hospitalier. Cet épisode m’a permis de faire des constats intéressants.

L’équipe du bloc opératoire et de la salle de réveil avaient été averties que je suis double implantée cochléaire et que j’ai besoin de mes processeurs pour entendre. Le personnel a été formidable, me permettant de les garder jusqu’à ce qu’on m’endorme, et au réveil, j’ai clairement entendu : Madame Choquette? On les avait remis correctement sur ma tête, ouf!

Les choses ont été plus difficiles une fois rendue dans la chambre qu’on m’avait assignée pour la semaine de convalescence, car tout le monde portait un masque opaque. À chaque personne qui entrait, je devais expliquer que je suis malentendante et que je lis sur les lèvres. Certaines personnes acceptaient de baisser leur masque, d’autres non. C’est tout à fait compréhensible en milieu hospitalier où les bactéries se propagent vite, et pas juste celles de la Covid!

Heureusement, mes implants cochléaires me permettent tout de même de comprendre ce qu’on me dit quand mon interlocuteur porte un masque opaque, mais je sais pertinemment que ce n’est pas le cas de plusieurs membres d’Audition Québec.

Est-ce que les masques à fenêtre comme le Humask Pro Vision sont la solution? Honnêtement, je ne crois pas qu’il soit réaliste de penser que toute personne qui entre dans une chambre d’hôpital pour quelques minutes en porte un. À la fin de mon séjour, une préposée est allée en chercher et les a placés à l’entrée de la chambre. Mais ce n’étaient pas des Humask et ils n’étaient pas du tout fonctionnels…ni utilisés!

Après deux jours, j’ai demandé à une amie de m’apporter des autocollants de l’oreille barrée, le signet des stratégies de communication et l’autocollant « Je lis sur les lèvres ». Ils ont été placés sur un tableau à l’entrée de ma chambre et au-dessus de mon lit. Et ils sont passés totalement inaperçus! Je me suis mise à rêver à une affiche géante pour expliquer au personnel médical comment interagir avec les patients malentendants.

De retour à la maison, des complications post-chirurgicales sont apparues et on a dû m’hospitaliser de nouveau. Comme il n’y avait pas de chambre disponible tout de suite, on m’a placée à l’urgence. Wow! Quelle différence! Par une chance incroyable, j’ai eu droit à un cubicule privé et vitré (comme dans l’émission “STAT”, haha!).

Mais ce qui a surtout changé, c’est le fait que la première infirmière qui m’a accueillie (super empathique et sympathique!) a imprimé une affiche qu’elle a placée bien en évidence à l’entrée du cubicule. « Patiente sourde, lis sur les lèvres ».

Wow! Le changement de comportement du personnel a été instantané! 95% des gens qui entraient baissaient systématiquement leur masque dès qu’ils franchissaient le seuil. Ceux qui préféraient ne pas le faire se plaçaient assez près de moi et parlaient clairement pour que je comprenne.

Mais surtout, la plupart parlaient de façon très animée (sans crier quand même) comme si j’étais complètement sourde. Je devais leur dire que “non non, je ne suis pas complètement sourde, je suis malentendante”.

Ce fut pour moi une révélation de l’impact des mots, de la perception que les entendants ont de notre handicap invisible et difficile à quantifier au premier abord. Une amie m’a dit : “bien oui, si une personne me dit qu’elle est malvoyante, je n’agirai pas avec elle de la même manière que si elle me dit qu’elle est aveugle”.

Suis-je prête à dire d’abord que je suis sourde et ensuite nuancer quand la conversation s’engage? Je me suis toujours définie comme malentendante, puisque j’entends quand même assez bien avec mes implants cochléaires. Mais techniquement, c’est vrai, je suis sourde. Je suis devenue sourde.

Et voilà que depuis cette prise de conscience, quand je rencontre une nouvelle personne, je dis d’abord que je suis sourde, et que j’entends grâce à mes implants cochléaires. Je répète LA stratégie de base dans mon cas : attirer mon attention et attendre que je me retourne face à la personne avant qu’elle commence à parler.

Au début de la pandémie, lorsque Audition Québec a commencé à faire des cafés-rencontres virtuels, nous avons discuté de notre façon de nous identifier : sourds, malentendants, devenus sourds. Il y avait quasiment autant d’avis que de participants! Et vous, comment vous identifiez-vous? Je suis curieuse d’entendre vos témoignages. Écrivez-nous : sourdine@auditionquebec.org.

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