Les crocodiles peuvent-ils nous aider à restaurer notre audition ?

Les scientifiques étudient les capacités d’audition des crocodiliens dans l’espoir de trouver de nouvelles façons de traiter la surdité neurosensorielle humaine. Chez les espèces non mammifères, on a découvert que les récepteurs auditifs subissent une régénération cellulaire après des dommages, donnant de l’espoir pour de nouvelles options de traitement. En effet, les cellules ciliées peuvent être régénérées chez les oiseaux et d’autres espèces grâce à un processus appelé transdifférenciation selon lequel les cellules de soutien se transforment en cellules ciliées. Cependant, les mécanismes ainsi que les conditions d’apparition derrière ce processus restent incertains.

Récemment, les chercheurs ont exploré l’organe auditif de deux crocodiles cubains mâles (Crocodylus rhombifer) et d’un crocodile nain africain mâle adulte (Osteolaemus tetraspis) pour valider la possibilité de régénération naturelle continue des cellules ciliées. En analysant les oreilles de ces crocodiles à l’aide de la technologie Micro-CT, des reconstructions 3D, de la microscopie optique, de la microscopie électronique de transmission et de l’immunohistochimie, ils ont découvert que les crocodiliens semblent produire de nouvelles cellules ciliées tout au long de leur vie à partir d’une gamme de cellules de soutien. De plus, ils ont constaté que l’exposition de fibres nerveuses efférentes (extérieures aux cellules ciliées) pourrait jouer un rôle dans la régénération et la réinnervation des récepteurs auditifs.

FIGURE 1. (A). Micro-CT et reconstruction 3D de l’ostéologie crânienne droite de C. rhombifer (vue médiale). Les foramina des nerfs crâniens faciaux (N.VII) et vestibulocochléaire (N.VIII) sont délimités par des flèches. Les nerfs vestibulaire et cochléaire traversent différents foramens. (B). La reconstruction 3D recadrée montre l’otolithe, la columelle de l’os de l’oreille (*) et le foramen du nerf cochléaire. L’encart montre la coupe coronale correspondante.
FIGURE 2. (A). Microscopie optique de la région abneurale (encadré gauche) de la papille considérée comme une zone de régénération. Les SC de cette région sont souvent vacuolisés (agrafes) et les projections cellulaires se connectent aux cellules sensorielles (flèche). Les noyaux SC sont situés à la base. À la frontière (*), il y a des HyC et des cellules cubiques (CC) qui sont innervées (encadré à droite). BM : membrane basilaire, SHC : cellules ciliées courtes, BL : lame basale. (B). Région neurale avec THC et habenula perforata avec neurones entrants (N). Le TM semble être sécrété par les HoC avec une endolymphe claire au niveau du sulcus interne (IS).

Les crocodiles possèdent deux types de cellules ciliées : les cellules ciliées courtes et les cellules ciliées hautes. Celles-ci sont entourées d’une mosaïque de cellules de soutien jointes entre elles. Dans l’oreille des mammifères, ces jonctions sont impliquées dans la génération du potentiel endo-cochléaire et du recyclage de ions K +, essentiels à la transmission de l’influx nerveux, et ils sont cruciaux pour l’audition humaine. L’étude suggère que les jonctions peuvent agir comme des couloirs pour le transfert de gènes et peuvent être impliquées dans la régulation du développement et de la régénération des cellules ciliées chez les crocodiles.

FIGURE 3. (A). Pôle basal d’un SHC relié à trois bornes efférentes (eff1, eff2, eff3). Les boutons sont remplis de vésicules synaptiques et de mitochondries abondantes. (B). SHC et TM associés ayant une structure en nid d’abeille. (C). Les pointes ciliaires des SHC présentent des spécialisations aux points de contact avec la MT. (RÉ). Les stéréocils en coupe transversale d’un SHC montrent d’abondants filaments d’actine.

Le processus de régénération chez ces reptiles pourrait être déclenché par des signaux envoyés par les cellules ciliées dégradées pour qu’elles déclenchent leur autodestruction (signaux apoptotiques).

L’étude montre également que les crocodiles restaurent et sculptent leurs membranes tectoriales tout au long de leur vie. Il peut y avoir des récepteurs auditifs nouveaux dans leur organe auditif qui proviennent d’une population de cellules de soutien en migration et en transdifférenciation et riches en mitochondries.

Ces informations pourraient mener à de nouvelles façons de traiter la surdité neurosensorielle humaine en induisant la régénération des cellules ciliées de manière similaire.

En conclusion, les crocodiliens semblent produire de nouvelles cellules ciliées tout au long de leur vie. Leurs organes auditifs contiennent des fibres nerveuses efférentes remarquables dérivées de l’anastomose vestibulocochléaire, dont la fonction reste indéfinie. Les chercheurs proposent que ces fibres nerveuses efférentes puissent jouer un rôle dans la régénération et la réinnervation afférente des récepteurs auditifs des crocodiles, éventuellement déclenchées par des signaux apoptotiques de cellules endommagées.

Référence : Li, H., Staxäng, K., Hodik, M., Melkersson, K. G., Rask-Andersen, M., & Rask-Andersen, H. (2022). Regeneration in the Auditory Organ in Cuban and African Dwarf Crocodiles (Crocodylus rhombifer and Osteolaemus tetraspis) Can We Learn From the Crocodile How to Restore Our Hearing?. Frontiers in Cell and Developmental Biology10.

Pour consulter l’article, cliquer sur ce lien : Regeneration in the Auditory Organ in Cuban and African Dwarf Crocodiles (Crocodylus rhombifer and Osteolaemus tetraspis) Can We Learn From the Crocodile How to Restore Our Hearing?

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