Rédactrice en chef, audiologiste
Résumé de l'article « Hearing impairment is associated with cognitive decline, brain atrophy and tau pathology »
On nous a déjà martelé à plusieurs reprises que la déficience auditive non appareillée constitue un facteur de risque important au développement d’une démence ou de troubles cognitifs. En fait, parmi plusieurs autres facteurs de risque les plus courants comme le manque d’éducation ou le tabagisme, la surdité a été identifiée comme le facteur de risque le plus important. Elle serait associée à 8 % des cas de démence. Malheureusement, les mécanismes pathophysiologiques qui expliquent ce phénomène n’ont pas clairement été identifiés.
Une étude de grande envergure a analysé le lien entre l’audition et la fonction cognitive, les structures du cerveau et les protéines du liquide céphalo-rachidien dans des analyses génétiques transversales, longitudinales, de médiation et d’association. Pour compléter cette analyse de profondeur, l’équipe a utilisé le UK Biobank, le Chinese Alzheimer’s Biomarker and Lifestyle (CABLE) et la base de données de l’Alzheimer’s Disease Neuroimaging Initiative (ADNI). Cela nous donne échantillon de plus de 180 000 participants.
Suite à plusieurs analyses génétiques, statistiques, de résultats d’imagerie et de résultats à des évaluations auditives complètes, certaines associations intéressantes en sont ressorties :
Fig. 1 — L’association de la performance auditive avec la fonction cognitive. a. L’association de la performance auditive avec l’intelligence fluide, la mémoire numérique, le temps de réaction et l’appariement des paires dans l’étude transversale ; b. L’association de la performance auditive avec l’intelligence fluide, la mémoire numérique, le temps de réaction et l’appariement des paires dans l’étude longitudinale. Abréviations : SiN, parole dans le bruit.
Fig. 2 — L’association des performances auditives avec la structure du cerveau. a. Un volume inférieur des régions corticales et sous-corticales était associé à une mauvaise performance auditive ; b. Une diffusivité moyenne plus élevée des faisceaux de matière blanche était associée à de mauvaises performances auditives. Les performances auditives ont été mesurées à l’aide du test de parole dans le bruit, dans lequel un seuil de réception de la parole plus élevé indiquait une performance auditive plus faible.
La conclusion de tout cela : la déficience auditive serait associée au déclin cognitif, à une atrophie cérébrale et au développement de la pathologie tau.
Étant donné que la perception de la parole dans le bruit est un résultat de la fonction auditive centrale, tous ces résultats suggèrent qu’un trouble de l’audition centrale est un indicateur non négligeable d’une neurodégénérescence et d’une démence naissante. N’oublions pas que la surdité peut être détectée des années avant que la démence ne soit diagnostiquée.
Ensuite, des changements pathologiques, tels que le dépôt de protéines néfastes pour le système nerveux (amyloïde-β ou Aβ), l’enchevêtrement neurofibrillaire à l’intérieur des neurones (tau) et l’atrophie cérébrale se produisent une décennie avant le début de la démence. Il s’agit d’un autre indicateur utile pour prévenir la démence.
Enfin, bien connaitre comment la démence se développe en lien avec la surdité, les mécanismes neuronaux en cause, permettrait de trouver des pistes potentielles d’intervention précoce pour la démence. D’autres recherches sont nécessaires pour préciser tous les mécanismes impliqués dans la déficience auditive et la démence.